MiCA sous le feu alors que l'AfD cherche à protéger Bitcoin

Alors que l'Union européenne se prépare à déployer pleinement la réglementation MiCA d'ici la fin de l'année, l'Allemagne exprime une opinion dissidente. Le principal parti d'opposition, l'AfD, vient de soumettre une motion choc au Bundestag. Il exige que le bitcoin soit reconnu comme un actif de réserve stratégique, distinct des autres cryptomonnaies. Cette position inattendue remet en question l'uniformité du cadre réglementaire européen et pourrait ouvrir la voie à une révision du traitement institutionnel du bitcoin au sein des États membres.

Une motion parlementaire pour reconnaître le bitcoin comme actif stratégique

Dans une motion soumise le 26 octobre au Bundestag, le parti d’opposition Alternative für Deutschland (AfD) appelle le gouvernement allemand à faire du bitcoin un actif stratégique, distinct des autres cryptomonnaies régulées par le cadre européen MiCA, alors que le pays aurait laissé filer 5 milliards en BTC.

Le texte exprime des inquiétudes quant à l’impact de la réglementation actuelle sur l’écosystème local, et estime que « la sur-réglementation des prestataires et utilisateurs de services bitcoin dans le cadre de la mise en œuvre nationale de MiCA met en péril la capacité d’innovation de l’Allemagne, sa liberté financière et sa souveraineté numérique ».

L’AfD considère que le bitcoin ne peut être assimilé à un simple actif financier. Sa structure décentralisée, sa rareté algorithmique et son potentiel technologique justifieraient, selon le parti, un traitement politique et réglementaire dédié.

Dans cette motion, plusieurs demandes concrètes sont mises en avant pour renforcer le rôle du bitcoin dans la stratégie nationale :

• Reconnaître le bitcoin comme un actif stratégique pouvant faire partie des réserves nationales, en raison de sa résilience face à l’instabilité monétaire ;

• Préserver l’exonération fiscale après 12 mois de détention, considérée comme une incitation à l’investissement à long terme ;

• Maintenir l’exonération de TVA sur les transactions en bitcoin afin d’éviter un traitement désavantageux par rapport aux monnaies conventionnelles ;

• Garantir le droit à l’auto-garde pour les citoyens, vu comme une protection fondamentale de la liberté financière ;

• Explorer les usages énergétiques du bitcoin, notamment comme solution pour intégrer les surplus d’énergies renouvelables.

Ces propositions portent la discussion autour du bitcoin à un nouveau niveau en Allemagne : celui de la souveraineté numérique et de la politique économique, bien au-delà des logiques purement fiscales ou technologiques.

Vers un débat européen sur l’application de MiCA ?

Cette position de l’AfD intervient dans un contexte de débat croissant sur l’applicabilité du cadre MiCA de manière uniforme à toutes les cryptomonnaies.

L’Allemagne n’est pas un cas isolé. Le 22 octobre, en France, Éric Ciotti, député et président du parti UDR, a soumis une motion similaire appelant à assouplir l’application de MiCA pour favoriser l’innovation, notamment concernant les stablecoins, tout en exprimant une opposition ferme à l’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale (CBDC).

Ces initiatives suggèrent l’émergence de critiques à l’égard de la réglementation européenne, perçue par certains acteurs comme un obstacle plutôt qu’un levier pour l’adoption technologique.

Du côté des défenseurs de MiCA, certains rappellent que le cadre réglementaire européen a permis à l’Allemagne de se positionner comme l’un des leaders du marché crypto en Europe. Selon un rapport publié par la société d’analyse Chainalysis, l’Allemagne se classe troisième en Europe en termes de valeur crypto reçue, derrière le Royaume-Uni et la France.

Cette performance révèle le paradoxe allemand : alors que le pays bénéficie clairement de sa législation favorable aux cryptomonnaies, une partie de sa classe politique s’inquiète désormais des dérives potentielles d’une réglementation trop stricte.

À moyen terme, ces doutes pourraient ouvrir la voie à une redéfinition du champ d’application de MiCA, ou à l’introduction d’exceptions nationales pour des actifs spécifiques comme le bitcoin. Cependant, il reste à voir si ces appels seront entendus à Bruxelles ou si l’harmonisation restera la priorité de l’Union. Ce débat éminemment politique pourrait fortement influencer les équilibres réglementaires à venir. En attendant, l’initiative allemande crée un précédent notable et pourrait encourager d’autres États membres à réclamer plus de flexibilité dans l’application de la réglementation européenne sur les cryptomonnaies.