La statue de Satoshi Nakamoto volée à Lugano a été retrouvée

Dans un univers dominé par l’abstraction numérique, la disparition brutale de la statue de Satoshi Nakamoto à Lugano résonne comme un choc symbolique. Érigée lors du Plan B Forum en hommage à l’esprit décentralisé du bitcoin, l’œuvre a été arrachée, vandalisée, puis repêchée en morceaux au bord du lac. Ce manifeste artistique, devenu cible, cristallise les tensions autour de l’imaginaire crypto. Une récompense en bitcoin a été promise, signe que l’affaire dépasse le simple vandalisme : elle interpelle sur l’intégrité des symboles dans une culture sans visage.

Une disparition choquante au cœur de Lugano

Pendant que Satoshi Nakamoto est devenu la 11ème personne la plus riche du monde grâce au bitcoin , sa statue, dévoilée en octobre 2024 à Lugano, n’aura pas survécu un an sans incident. Installée dans le cadre du Plan B Forum, l’œuvre signée par l’artiste italienne Valentina Picozzi représentait une silhouette sans visage penchée sur un ordinateur, conçue pour symboliser l’anonymat du créateur de bitcoin.

Le samedi 3 août, la statue a été enlevée de son socle dans le parc Ciani et signalée comme volée. L’information a été confirmée par le collectif artistique Satoshigallery sur le réseau social X : « où est Satoshi ? Vous pouvez voler notre symbole, mais jamais vous ne pourrez voler nos âmes ».

En réponse à cet acte, le collectif a offert une récompense de 0,1 BTC, l’équivalent de plus de 11 000 dollars, à toute personne pouvant fournir des informations utiles à la récupération de la sculpture.

Le lendemain, les services municipaux de Lugano ont retrouvé la statue en plusieurs morceaux, jetée sur la berge et dans les eaux du lac. Plusieurs éléments permettent de mieux cerner le déroulé de l’incident :

• La statue n’était soudée que par deux points de fixation aux pieds, ce qui a facilité son retrait ;

• Aucun vol de matériel n’a été constaté, excluant pour l’instant une motivation financière ;

• L’œuvre a été endommagée, mais non dissimulée, retrouvée rapidement par les services publics ;

• L’incident a eu lieu pendant le week-end de la Fête nationale suisse (1er août), renforçant la thèse d’un acte impulsif, potentiellement commis par des personnes en état d’ébriété, comme l’a supposé Gritto.

Cet épisode a choqué une communauté attachée à ses rares représentations physiques.

Une atteinte symbolique à l’esprit du bitcoin

Au-delà du choc initial, la récupération de la statue de Satoshi Nakamoto n’a en rien dissipé l’émotion dans la communauté crypto. L’œuvre, emblématique du projet global de Satoshigallery visant à installer des statues similaires dans 21 villes à travers le monde, s’intègre dans une démarche artistique et militante.

« Lugano s’impose rapidement comme un pôle majeur de l’innovation numérique », avait déclaré le maire Michele Foletti lors de l’inauguration, soulignant combien la statue incarnait l’engagement local envers les technologies de rupture. La réaction du PDG de la société de stablecoins Tether, Paolo Ardoino, se veut sobre, mais éloquente : un simple cœur posté sur X, en signe de soutien.

La volonté de destruction de l’objet physique n’aura pas entamé la symbolique qu’il porte. Bien au contraire, le geste de vandalisme semble avoir renforcé l’unité de la communauté. L’incident rappelle que dans l’univers crypto, les valeurs et les idées prévalent sur les représentations matérielles.

Le parallèle avec la statue de Budapest, installée en 2021 avec un visage-miroir pour refléter chaque visiteur, vient renforcer cette idée : « nous sommes tous Satoshi ». Une statue peut être brisée, mais une idée ne l’est pas si facilement.

À mesure que la culture crypto gagne en visibilité, elle s’expose davantage à des incompréhensions, des actes de rejet ou de profanation. Ce vandalisme pourrait n’être qu’un avertissement isolé, mais il rappelle combien le besoin de pédagogie, de dialogue culturel et d’ancrage symbolique demeure crucial. À l’heure où le bitcoin devient un actif institutionnel , ses symboles, eux, doivent encore faire leurs preuves dans l’espace public.